Chapitre 6 : Sommes-nous tous égaux ou différents ?
 
 
Lieutenant, voilà ce que je suis devenu depuis plusieurs mois, à ce stade, j’ai pu accéder au niveau supérieur de mon entrainement où Dearane en personne me faisait face et où j’ai pu maitriser totalement le pouvoir de soin. Vingt-cinq ans…. Cinq ans qu’il m’a suffi pour avoir le titre et le tabard des officiers, pareil que le précédent, sauf qu'il atteint le milieu du tibia. J’ai pu diriger quelques patrouilles à Ralrode et les habitants commencent à me connaitre.

Mais cette fois, je dois rester anonyme. Le conseil du bastion m’a chargé d’une mission discrète tant que je pouvais l’être encore. J’ai donc échangé l’uniforme contre des habits de vagabond et me suis rasé la barbe et la tête. Le village où j’ai commencé ma mission est trop isolé pour que quiconque me reconnaisse. Je peux donc suivre mon objectif : trouver Drugane, un magicien barbu et de grande taille qui apparait, terrorise la région et disparait. Il menace de tout détruire si on ne lui donne pas des richesses. Du moins c’est ce que disent les paysans depuis trois jours après mon arrivée. Encore une information : j’ai appris depuis hier, qu'une femme cherche des renseignements sur ce magicien et semble vouloir chercher un étranger arrivé depuis peu…. Moi surement…. Mais pourquoi ? Quoi qu’il en soit si cette femme sait des choses sur Drugane, je dois la rencontrer.

Quelque chose me dit que ça ne va pas tarder, je sens un malaise, quelqu’un prêt de moi : le silence de la taverne après que quelqu’un ait passé la porte et surtout j’ai aperçu la silhouette d’une personne passant derrière moi via le reflet de ma bière. Depuis, à part le bruit de tabouret, rien, Le calme plat. Après mûr réflexion, je finis ma chope, me lève et me dirige vers la sortie.

Une fois dehors, je respire un grand coup l’air frais et me fonds parmi les habitants en prenant les chemins communs. J’attends un moment avant de changer brutalement de direction vers un endroit isolé… Deux minutes après, je m’arrête net et attends un peu avant de prendre la parole.
 
- « Je pense qu’on peut enfin discuter, vous et moi, non ? »

- « Retourne-toi, et on verra bien ! »
 
Une voix de femme, je retourne sans attendre et retire ma capuche, Une femme, jeune, blonde, avec une épée à la lame plutôt fine, elle me parle à nouveau.
 
- « Alors, étranger, que fais-tu dans ce trou ? »

- « Je traque Drugane. »

- « Ça pose problème, je le cherche aussi et je n’ai pas envie de partager ma récompense ! »

- « Mes raisons ne sont que personnelles, je désire juste de quoi prouver qu’il ne nuira plus, vous pourrez avoir ce que vous voulez. Autant être sur le coup ensemble. »

- « Et si tu es un de ces bandits que le mage à recruter ? »

- « Ainsi, Drugane recrute des mercenaires… Mais pourquoi faire s’il parait si puissant ? En tout cas si j’en suis un, je vous mènerai directement à lui, non ? »

- « Soit j’ai un allié gratuit, soit une piste vers ma cible… Je prends le risque de faire équipe avec toi, mais interdiction de t’éloigner, je suis Jeanne. »

- « Thibault, ravis de vous connaitre. Par quoi commence-t-on ? »
 
Jeanne m’explique ce qu’elle a appris : Drugane apparait dans une fumée venue de nulle part, use de magie pour effrayer la population et disparait dans une nouvelle fumée rouge. Jamais on ne l’a vue marcher ou se déplacer. Chaque fois, il indiquait un lieu, jamais le même, pour donner les richesses et les villageois doivent ensuite s’en aller. Encore un détail, il apparait toujours dans des lieux étroits. Depuis ses premières apparitions, des mercenaires sont venus dans les régions, ils sont passés une fois dans un village puis plus rien. La seule chose qu’on sait, c’est qu’ils se dirigeaient tous vers la même forêt. Jeanne a regardé avant de venir dans le village, il y a les ruines d’un vieux poste de garde. Son plan est simple : aller dans la forêt et la fouiller pour trouver, puis affronter Drugane. Je propose d’aller dans la forêt, et d’attendre la nuit.

Après s’être engagé dans la fameuse forêt, nous avons fait halte pour prendre des forces et être au mieux de notre forme. Jeanne me demande de dormir, je m’appuis contre un arbre, prends une dernière gorgée de mon eau et ferme les yeux après avoir posé ma besace. J’étends des bruits de pas, je reste tranquille. Des bruits de fouilles… j’attends toujours, puis les bruits pas revienne et j’entends qu’on pose quelque chose. J’ouvre légèrement un œil et vois jeanne poser ma besace, je finis par lui parler, impassible.
 
- « As-tu trouvé ce que tu voulais ? »

- « Quoi ? Mais… Tu ne dormais pas ? Tu n’as pas confiance ?»

- « Maintenant si, car si tu voulais me voler, tu serais partie… »

- « De toute façon il y a rien à volé, même pas des documents ou autre… »

- « Alors tu cherchais à voir si j’étais bien un mercenaire ou non… Ce qui veut dire que tu n’en es pas un non plus. Je pense que c’est assez pour se faire confiance l’un, l’autre. »

- « Ouais…. Tu résonnes avec calme et logique. Mais repose ton crane pour de bon, tu vas en avoir besoin pour contrer un magicien. »
 
J’acquiesce et me repose pour de vrai. Puis Jeanne me réveille, la nuit est tombée, l’heure est venue de dénicher le repaire du renard et de l’en faire sortir.
 
Aux abords d’une clairière, nous découvrons la fameuse maison qui servait jadis de poste de garde, le toit est presque détruit, il y a un trou dans le mur et par miracle, une fenêtre est encore intacte. Devant la porte délabrée, un homme barbu en robe discute avec trois personnes, un orc avec un fléau, un humain avec des dagues et une elfe munie d’une lame. Nous écoutons la discussion.

L’humain lui parle- « Faudrait arrêter de nous appeler la nuit, sinon on devra ajouter un bonus Drugane ! »

Le magicien s’énerve- « Idiot, la nuit c’est plus discret ! Il est capital que mon repaire demeure secret. »

L’elfe s’interroge- « Alors pourquoi nous faire venir ici pour nous engager ? »

Drugane lui réponds, calmement- « C’est simple, je dois m’assurer que les villages restent dans la crainte et être informé de tous risques de rébellion. Aussi, je veux que vous preniez pour vous qu’une partie de la rançon que je demande en échange de leurs survies : objets, bibelots, etc... »

L’orc parle avec sarcasme- « Je suppose que la partie que vous prenez est l’argent ? »

Drugane lève le sourcil- « Parce que vous comptez tout me rendre à chaque fois que vous revenez des « courses » ? »

L’elfe lève les yeux- « Évidemment, ça on le devine de suite. Mais il faudra nous donner un boulot plus excitant si vous voulez qu’on continue à… Hey ! Attendez, je crois avoir vu quelque chose ! »

Drugane ordonne- « Et bien allez voir, fillette elfe, qui sait ? Votre boulot excitant s’y trouve ? »

L’elfe marche vers notre direction. Les choses se gâtent !
 
Jeanne soupire- « Tant pis pour la ruse, un plan pour réduire le nombre ? »
 
Je jette un rapide coup d’œil à ma ceinture et sort ma dague. J’attends que l’elfe s’approche, encore un peu. Je lance ma dague et elle s’enfonce dans le front de la femme elfe ! Jeanne et moi sortons de notre cachette pour passer à l’assaut. Drugane crie « tuez » et deux autres mercenaires, un orc avec un marteau et un elfe noir avec une lance, sortent par le trou de la maison. L’orc au fléau fonce sur moi, j’esquive son coup et saisit de ma main gauche la chaine de son arme. L’orc n’étant pas assez réactif, il ne voit pas ma lame lui rentré dans le flan. Un de moins ! Mais tout à coup, une boule de feu fonce vers moi, je pare le coup, mais le choc est tel que je suis projeté en arrière, lâchant mon épée sur le moment. Je tombe en faisant quelques roulades avant de m’arrêter près du corps de l'elfe morte, j’en profite pour me relever tout en récupérant ma dague avant de rejoindre Jeanne.

J’esquive d’abord la lance du drown, puis le coup de marteau de l’orc, avant de contre attaquer en saisissant son cou, de son autre main, l’orc tiens mon bras pour me faire lâcher et ne fait plus attention à ma dague qui le transperce trois fois dans le tronc. Le lancier s’attaque à Jeanne avec l’humain, je fonce vers le lancier en premier, mais il fait volte-face et je pare son coup tandis que Jeanne lui blesse le dos, j’en profite pour saisir la lance, faire tourner le drown pour en faire un bouclier contre le sort de feux de Drugane. Jeanne en a fini avec l’humain. Je lance ma dague sur le magicien et celle-ci s’enfonce dans sa main gauche, sans saigner… ni même bouger un doigt. Je ramasse le marteau de l’orc afin de vérifier quelque chose. Jeanne fonce déjà vers le mage et évite une boule de feu, elle est proche de lui, mais ce dernier la repousse par un sort d’éclair. J’en profite de ce moment d’occupation pour foncer à mon tour et donner un grand coup de marteau dans la jambe droite, celle-ci craque et le magicien s’écroule sans hurler. Drugane se débat pour ôter sa toge et Jeanne et moi découvrons un nain qui enlève des sortes d’échasses et des bras allongés en bois. Drugane se relève enfin et sort une hache qu’il avait cachée dans sa toge de magicien.

Ma « partenaire » se moque- « C’est ça, le puissant Drugane, un pauvre nain ? Voilà pourquoi tu ne bougeais presque pas… »

Je préfère comprendre plutôt que de rire- « Mais pourquoi cette mascarade ? »

Le magicien nous réponds- « Je voulais amasser des revenues pour mes recherches et pour lever une armée de mercenaires. Tout cela pour prouver au monde des nobles leurs torts de sous-estimer les autres races. Je suis un vrai magicien, mais je suis aussi un nain, aucun humain ne croit un nain capable de magie, on se serait moquer de moi ! »

Je comprends mieux- « Alors tu as créé cette machine pour te faire passer pour un humain… »

Ce nain réponds sur un ton d’affirmation- « L’homme est la race qui a le plus de crédibilité. Mais vous ne vivrait pas assez pour me voire au pouvoir ! A toi Rogrude ! »
 
Et là, le son d’une vitre qui se brise et le crie de Jeanne me fait tout comprendre ! Un mercenaire était posté derrière la fenêtre et ce Rogrude saute pour passer la fenêtre pour achever Jeanne ! Je cours l’en empêcher mais je sens une décharge derrière mon dos qui me « calme », Drugane a choisi son opposant. Je me relève en reprenant enfin mon épée, mais je garde ma dague dans ma main gauche. J’affronte le nain au corps à corps. Pas de chance, il aussi bon guerrier que magicien, je dois aider Jeanne à distance. J’attaque Drugane, il pare pendant que je tourne autour de lui. Et ensuite je lance mon épée vers Rogrude, comme avec Le porte mort. La lame se fige dans son dos et je vois Jeanne sauve mais avec la flèche dans son épaule droite et qui fonce vers nous. Drugane n’a pas encore regarder et lance une boule de feux que je pare tout en reculant de force. Je charge vers lui et au dernier moment fait saute-mouton sur sa tête. Le nain perturbé n’a pas vu Jeanne finir le combat. Drugane agonise et tombe. Mission accomplie, Jeanne range son arme et je fais de même.

Jeanne me parle- « Je prends sa tête comme preuve. »

- « En ce cas je prendrai sa machine, mais avant je vais te soigner. »

- « Puisque c’est gratuit… »
 
Je retire violement la flèche, Jeanne retiens son cri de douleur, ensuite je pose mes mains sur la plaie et fait appel à Dhiosas pour la soigner. Cette jeune femme est toute étonnée.
 
- « Tu es… Un paladin de Dhiosas ? Un déserteur ? Non pas un déserteur, sinon tu ne pourrais pas user de tes pouvoirs. »

- « Exact, Lieutenant Thibault de l’ordre de Dhiosas. On m’a chargé de traquer et mettre hors d’état de nuire Drugane. Désolé de t’avoir mentis, mais je devais éviter d’éveiller des soupçons ou de faire paniquer Drugane. »

- « Ça je comprends, ce qui me surprends, c’est que tu as eu aucun mal à faire équipe avec une femme. Les paladins de Dhiosas sont des hommes bien finalement… »

- « Evidement, sinon Dhiosas nous aurais tous abandonné ! Quoiqu’il en soit je dois rentrer, il se peut qu’on s’inquiète. »

- « D’accord, et pour les richesses ? Tu comptes les prendre pour l’ordre ?»

- « Et toi comme supplément de salaire ? Non, les villageois ont besoin de leurs argents, puisque tu as la tête, tu peux les convaincre que tout est dans cette maison. »

- « Je le ferai, fais confiance. »

- « Aucun problème, si les richesses disparaissent, je saurai que c’est toi. »

- « Bien vu ! Je te laisse, j’ai une tête à livrer, adieu. Ravie d’avoir faire équipe avec un homme compétent. »
 
Je souris à cette femme qui disparait dans les bois. Je me pose une question tout en emballant la machine dans la bure de mage : Pourquoi il n’y a pas de femmes dans notre ordre ? Jeanne avait une opinion pas très valeureuse, mais en y repensant, a-t-elle tout à fait tort ? J’en parlerai après mon rapport, la route est longue.

Quelques jours plus tard, j’arrive enfin chez moi. Après avoir remis mon uniforme, je me dirige vers Dearane, mon maître.
 
- « Approche mon garçon, explique comment ça s’est passé. »

- « Drugane le magicien nain, n’est plus. Et on a bien fait d’agir, car il comptait assembler assez des mercenaires avec son butin pour faire du dégât. »

- « Je vois qu’en plus de mener à bien ta mission, tu as su trouver son objectif, ce qui justifie davantage notre acte. Ce sera dommage qu'un jour ta popularité grandira au point où on ne pourra plus de confier des missions discrètes… Un instant ! Tu as dit : « Magicien nain » ? »

Pour couper le débat, j’étale sur sa table la toge de magicien et l’ouvre pour montrer les échasses mécaniques. Dearane est surpris et observe avec attention la preuve.
 
- « Il disait qu’un nain n’avait pas droit au crédit d’user de magie. Alors il a mis cette machine pour se faire passer pour un humain et ainsi être pris au sérieux. »

- « Très ingénieux… Il va vite compris qu’une image d’un peuple est difficile à détruire… Je te félicite encore Thibault ! »

Je reste là un moment, puis je me lance.
 
- « Maître, j’y pense depuis cette mission. Je voudrais savoir : pourquoi il y a peu de races autres qu’humaines ici ? »

- « Aaah… je me demandais si tu allais te poser la question… Et bien vois-tu, mon garçon : c’est tout simplement parce que les humains sont plus sensibles à la lumière de Dhiosas. Les autres races ne sont pas aussi fortes que nous sur ce point. Mais rassures-toi, les autres races ont quand même leurs places ici, il y a même des officiers parmi eux. C’est juste que la majorité des candidats échoue la formation, c’est tout. »

- « Et les femmes dans tout ça ? »

- « Oh, hors de question ! Même si elles sont humaines, elles n’ont nulle place dans l’ordre, elles ne sont pas assez fortes, pas assez pures et surtout elles sont plus traitresses que les hommes. Non, Thibault, elles ne peuvent pas faire autre chose que d’être des femmes. Elles donnent la vie, c’est beaucoup plus que les richesses du monde réuni. Qu’elles ne demandent pas plus ! »

- « Vous parlez d’expériences ? »

- « Je… Très bien joué mon garçon. Tu es bien éclairé, tu vois juste. J’ai connus une femme en qui j’avais confiance… il s’en fallut de peu pour que j’échappe de la mort… Elle voulait juste les richesses du Bastion… "

- « Navré d’avoir remué le passé, Maître. »

- « Tu le dis toi-même, c’est le passé, ne t’en fais pas. Sers-toi de cette confidence comme une leçon. »

- « Merci, Maître, je m’en vais à présent. »

- « Tu es un bon paladin Thibault, malgré tes yeux étranges et ton amnésie. Cela risque d’être l’objet d’un débat qui dépassera le conseil du Bastion…  Tu sauras de quoi je parle bientôt. Va à présent. »
 
Je salut Dearane, et sort de ses quartiers, intrigué par les derniers mots de mon maître et surtout pas vraiment convaincu de son discours sur les femmes.
 
- « Quel vieux rancunier il fait, hein ? »

- « Roland ? Tu écoutes depuis quand ? »

- « Depuis un bon moment, j’avais fini mon rapport de patrouille avant toi. Et j’ai entendu son charabia. »

- « Aurait-il tort ? »

- « Oh que oui, cette femme l’a trahi, et alors, sont-elles toutes pareilles ? Et le petit frère de Renault, Lucien, est-il un modèle de pureté ? Les humains sont les fondateurs de cet ordre, la direction ne reviens qu’à nous seul par conséquence. »

- « C’est faux, tout le monde a droit à sa chance ! »

- « C’est vrai, et peut –être que ce sera le cas. Mais arrêtons ce débat rapidement. Ce genre propos est peu apprécié. »
 
Je marche avec Roland tout en cherchant une conclusion finale. Les discours de Roland et de Dearane, Jeanne et Drugane… je parviens finalement à trouver quelque chose.

- « Nous sommes tous différents Roland. Les nains, les elfes, toi et moi, Dearane et Lucien. Mais tous les peuples ont droit à un minimum d’égalité : celui d’être libre et vivre leurs propres vies tout en payant les conséquences. »

- « Jolie formule ! Tu as réussi à mettre tout le monde d’accord. Sauf que presque tout le monde n’est pas prêt de changer de position… Allez oublies ça, allons rejoindre les autres à l’entrainement. »

- « …. Bonne idée, j’ai justement envie que tu m’apprennes à mieux user des armes contendantes. »



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